Le père Jean Gaignard, missionnaire d’Afrique connu pour son humilité et sa proximité avec les populations locales, célèbre cette année un double anniversaire exceptionnel : ses 60 ans d’ordination et plus de 50 ans de présence en Algérie. Une vie au service des autres, enracinée dans le désert et le quotidien des Algériens, qu’il a choisi de raconter à travers une exposition photographique intitulée « Eau et désert », installée du 23 juin au 6 juillet au château de Maupassant à Vihiers, commune déléguée de Lys-Haut-Layon, dans le Maine-et-Loire. Chaque cliché, chaque lumière capturée, chaque visage évoqué dans cette exposition est un hommage discret à un pays qu’il n’a jamais cessé de chérir. Et si aujourd’hui il témoigne, c’est parce que pour lui, l’Algérie est bien plus qu’un souvenir : elle est une part vivante de lui-même.
C’est en 1965 que Jean Gaignard foule pour la première fois la terre algérienne, à Ghardaïa. Très vite, il s’immerge dans la culture locale, apprend le dialecte, s’imprègne des gestes simples de la vie quotidienne, puis complète sa formation linguistique en arabe littéraire à Rome. Pendant dix ans, entre 1968 et 1978, il dirige un centre de formation au cœur du Sahara. Il retourne ensuite temporairement en France, tout en conservant une mission d’encadrement chez les Pères blancs. En 1984, l’Algérie l’appelle à nouveau : il rejoint Béchar, puis Timimoun, et en 1990, il s’installe à Oran, où il fonde une bibliothèque destinée aux étudiants en médecine. De 2000 à 2010, il œuvre à Tizi-Ouzou pour y mettre en place une autre bibliothèque, cette fois pour les étudiants en anglais. Il termine sa mission en 2014, à Ouargla, avec cette constance : ne jamais chercher à imposer, mais toujours chercher à comprendre.
Dans chacune des étapes de son parcours, Jean Gaignard répète que ce pays est tellement attachant. Il n’a de cesse de dire que ce pays est tellement attachant, que ce pays est tellement attachant qu’il a profondément transformé sa vision du monde, de la foi et de l’humanité. À ses yeux, vivre en Algérie n’était pas une parenthèse, mais une vocation. Ce n’était pas une mission de conversion, mais une mission de présence. Il rappelle que sa priorité a toujours été de vivre avec la population, d’apprendre de l’autre, de construire des ponts entre les cultures. L’Algérie, dans sa diversité et sa richesse humaine, lui a offert l’espace idéal pour accomplir cela.
Les souvenirs qui l’habitent ne sont pas faits d’événements spectaculaires, mais de moments simples, profonds, souvent silencieux. Il évoque l’année de guerre vécue sans heurts graves, mais dans un climat tendu où la confiance valait plus que les mots. Il se souvient de ces harkis qui veillaient sur lui pendant son sommeil, lui disant de se coucher pendant qu’ils feraient le guet. Pour lui, ces instants valent plus que des discours. Il se dit profondément marqué par l’accueil des Algériens, leur générosité, leur absence de ressentiment après l’indépendance, leur humanité sans conditions.
Son engagement a aussi pris la forme de projets concrets, comme la création de bibliothèques dans plusieurs villes. Pour Jean Gaignard, offrir un lieu de savoir, de calme, de dialogue, c’était aussi servir. Il a accompagné des générations d’étudiants, encouragé les échanges, défendu la transmission. À travers ces initiatives, il a voulu donner aux jeunes Algériens les outils de leur avenir, dans un esprit de respect mutuel.