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Vers un changement de monnaie en Algérie ? Le débat relancé

L’éventualité d’un changement de monnaie en Algérie refait surface à l’occasion du débat sur régularisation du budget de l’année 2022, tenu lundi au sein de l’Assemblée populaire nationale. L’idée d’une refonte de la monnaie nationale, régulièrement évoquée dans les milieux économiques algériens, a cette fois été posée publiquement par un député lors d’une séance officielle. Abdelkader Aziz, parlementaire, a en effet interpellé directement le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, sur l’opportunité de modifier la monnaie de l’Algérie afin d’intégrer les liquidités circulant en dehors du système bancaire dans l’économie formelle.

Selon les propos tenus, cette proposition de réforme monétaire vise principalement à absorber la masse monétaire dormante qui circule dans les circuits parallèles ou est thésaurisée dans les foyers. Dans un pays comme l’Algérie, où une large portion de l’économie repose sur l’informel, la question du contrôle et de l’intégration de ces fonds est cruciale. Plusieurs parlementaires considèrent le changement de monnaie comme un levier potentiel pour injecter des capitaux supplémentaires dans les canaux officiels et améliorer la traçabilité des transactions économiques dans toute l’Algérie.

Parmi les arguments présentés, la question de la dévaluation progressive de la monnaie algérienne a été largement évoquée. Plusieurs députés ont fait état de l’impact de la perte de valeur du dinar sur le niveau de vie des citoyens. Le député Wahid El Sayed Cheikh, notamment, a souligné les dangers persistants du marché parallèle des devises. Il a alerté sur le fait que ce marché, qui échappe à tout contrôle officiel, sert désormais de point d’entrée pour des opérations illégales, dont le financement de trafics internationaux, notamment celui des stupéfiants.

En lien direct avec cette situation, la problématique de la circulation des billets de banque en Algérie a aussi été soulevée. Un député a mis en lumière l’inefficacité perçue liée à la coexistence de plusieurs billets de mêmes valeurs faciales, comme ceux de 500 et 1.000 dinars. Une telle situation complique non seulement les opérations quotidiennes, mais contribue également à maintenir une zone grise dans les échanges en monnaie fiduciaire, affaiblissant la transparence économique en Algérie.

Une publication récente réservée aux abonnés, datée du 19 mai 2025, avait déjà analysé les mécanismes par lesquels un changement de monnaie peut entraîner une plus grande inclusion financière. En Algérie, cette réforme, si elle venait à être appliquée, aurait pour effet de contraindre les détenteurs de fonds informels à justifier l’origine de leur argent ou à le réinjecter dans le système bancaire pour pouvoir bénéficier de l’échange de la monnaie ancienne vers la nouvelle.

Dans un autre registre, les députés du Mouvement de la Société pour la Paix ont saisi cette même session parlementaire pour relancer la question de la réforme des subventions sociales. Leur demande consiste à réorienter les aides de l’État vers ceux qui en ont réellement besoin, rompant avec l’approche actuelle jugée trop généraliste. Ils ont également demandé au gouvernement de préciser la date d’application de l’article 188 de la loi de finances 2022, dont les mesures tardent à être mises en œuvre.

Des appels clairs ont également été lancés pour numériser les secteurs stratégiques de la fiscalité, des douanes et de la gestion du domaine public. La modernisation administrative de ces structures est perçue comme un complément indispensable au changement de la monnaie, afin de garantir que la réforme profite pleinement à l’économie nationale de l’Algérie.

Les spécialistes des finances publiques présents dans l’hémicycle ont aussi attiré l’attention sur la baisse des recettes fiscales directes, notamment celles prélevées à la source. Le député Seddik Bakhouche, ancien président de la commission des finances, a estimé que cela reflète un manque de dynamisme dans les réformes fiscales et la faiblesse de l’inclusion financière dans l’Algérie actuelle. Selon lui, il est temps d’agir à travers des politiques coordonnées, qui incluraient, entre autres, un changement de la monnaie.

Enfin, les préoccupations liées à la dette publique et à la discipline budgétaire ont été mises en avant. L’idée d’instaurer un plafond aux dépenses et à l’endettement public, en corrélation avec les recettes de l’État, a été largement partagée. Les députés ont rappelé que l’Algérie devra, dès l’année prochaine, appliquer les règles de la loi organique des finances, qui imposent un cadre de planification budgétaire sur la base de l’exercice N-1. Certains ont regretté que la transition vers le modèle N-2 n’ait pas été engagée cette année comme prévu.

Alors que les débats se poursuivent, l’éventualité d’un changement de la monnaie en Algérie s’impose peu à peu comme une piste de réflexion sérieuse, à la croisée de plusieurs enjeux économiques, fiscaux et sociaux. Dans un pays où l’économie informelle représente une part importante de l’activité réelle, toute mesure visant à ramener les capitaux vers les circuits officiels est scrutée avec attention, et le remplacement progressif de la monnaie pourrait, à terme, devenir l’un des outils majeurs de cette transition.